samedi 23 mars 2013

Vatican II : les sujets débattus

Dans un livre intitulé: La bataille du Vatican 1959-1965. Les coulisses du concile qui a changé l’Église, Christine Pedotti a longuement montré ce qu’ont vécu les évêques au cours des débats pénibles, des discussions rudes, même des affrontements tenaces et terribles qui ont ponctué les années conciliaires.

Très vite, deux tendances s’y sont affichées et elles ont duré jusqu’au dernier jour du concile. Mgr Paul-Émile Charbonneau, dans son livre intitulé: Célébrer  l’annonce de Vatican II, identifie ces deux « nobles » tendances : celle des « notionnels » et celle des « existentiels ». Et il commente : « De fait, au concile, règnent deux partis. Et c’est normal dans une assemblée de 2500 personnes. L’un des partis veut “nettoyer” le passé pour aller de l’avant. L’autre tient à protéger ce passé envers et contre tout ».

Voici ces points qui ont entretenu la controverse au concile, selon Mme Pedotti.
1.      En liturgie : le latin ; la concélébration; la communion sous les deux espèces pain et vin, Corps et Sang du Christ.
2.      Sur l’Église : l’Église comme sacrement; le Peuple de Dieu; tout ce qui a trait à la collégialité épiscopale; le rétablissement du diaconat permanent; l’appel à la sainteté : réservé aux personnes engagées dans la vie religieuse ou vocation pour tous; la Vierge Marie : l’usage du terme « médiatrice ».
3.      Sur la Révélation divine : le lien entre l’Écriture et la Tradition; l’historicité des Évangiles.
4.      Sur l’Église dans sa relation au monde de ce temps : le titre de « Constitution pastorale » donné à ce document; l’ordre inductif qui y fut suivi dans l'élaboration du document; l’optimisme jugé exagéré; l’athéisme, et surtout le communisme, pas assez fermement condamné; le mariage et le contrôle des naissances; la guerre; la détention et l’usage d’armes nucléaires dans la logique de « l’équilibre de la terreur ».
5.      Sur l’œcuménisme : le fondement de l’œcuménisme lui-même, une minorité considérant que nul dialogue n’était réellement envisageable avec des schismatiques et des hérétiques.
6.      Sur la liberté religieuse : impossible pour beaucoup de consentir à nommer un « droit pour l'erreur », car seule la vérité a des droits; depuis quelques siècles, la liberté religieuse a été impitoyablement combattue et condamnée  par les papes; l’objectif des promoteurs du texte fut de préciser qu’il s’agissait du droit des personnes et non du droit de la vérité.
7.      Sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes : la condamnation du déicide (le mot lui-même ne figure pas dans le texte); la responsabilité chrétienne dans les persécutions contre les Juifs.
8.      Sur la charge pastorale des évêques : tous ce qui ont trait à la collégialité et au pouvoir du pape; la question de l’indépendance des religieux dans les diocèses » (l’exemption); l’autorité des conférences épiscopales.
9.      Sur le ministère et la vie des prêtres : n’en mentionne aucun.
10.  Sur la formation des prêtres : la place réservée à l’étude de la philosophie thomiste.
11.  Sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse : l’obéissance dont une majorité voulait qu’elle soit clairement distinguée de l’obligation aveugle de soumission.
12.  Sur l’activité missionnaire de l’Église : la mission se limite-t-elle aux « nouvelles terres » ou concerne-t-elle aussi les « anciennes Églises »; la tutelle de la Congrégation de la propagande de la foi sur les « jeunes Églises ».
13.  Sur l’apostolat des laïcs : l’Action Catholique; la collaboration des laïcs avec les clercs, leur autonomie et leur lien hiérarchique.
14.  Sur les Églises orientales: n’en mentionne aucun.
15.  Sur l’éducation catholique : l’étude de s. Thomas dans les facultés universitaires catholiques.
16.  Sur les moyens de communication sociale : le ton « paternaliste » du document.

Il y a donc eu une ligne de fracture dans les discussions conciliaires. Sous ces débats sur des questions qui semblent fort disparates, il y avait toutefois trois questions sous-jacentes :
-         Est-ce que l’Église catholique peut changer? Tel fut le débat de fond. « Et l’objet des plus vives résistances » note Mme Pedotti.
-         Quelles doivent être les relations entre le centre et le reste de l’Église : centralisation ou collégialité?
-         Comment faut-il exercer l'autorité dans l’Église : un style autoritaire ou celui de la persuasion, de l’invitation, de la conversion, du dialogue, du partenariat?

Il y a certes lieu de se demander où nous en sommes de ces questions cinquante ans plus tard.
(34e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau