mercredi 21 novembre 2012

Vatican II et la vie économique

On sait que les bases idéologiques du capitalisme sont l’égoïsme devant automatiquement conduire au profit pour tous, et l’intérêt particulier.  Depuis 2008, pris dans une grave crise financière et économique, de plus en plus de responsables financiers et d’entrepreneurs acceptent de se questionner sur les bases de leurs choix professionnels.  Il me semble y avoir là quelque chose de nouveau, qui reste sans doute le fait d’une minorité.  Devant les désastres humains causés par leurs décisions, quelques responsables acceptent de se questionner sur les principes éthiques et les valeurs qui ont motivé leurs choix : le profit, l’efficacité, la compétitivité et le conflit, éclipsant en pratique les autres dimensions humaines fondamentales, telles que la solidarité avec le milieu social, le respect de l’environnement, la paix.

Vatican II avait déjà posé des bases solides pour une telle interrogation (voir « L’Église dans le monde de ce temps, par. 63-72). Y est formulé d'abord un principe fondamental qui vaut pour toutes les activités humaines: « Il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C’est l’homme en effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale. » (par. 63.1)

Avec la mondialisation, l’accroissement de la population et l’élargissement des aspirations à un partage plus juste, il faut certes continuer à développer  la production agricole, industrielle et le volume des services offerts. « Mais le but fondamental d’une telle production n’est pas la seule multiplication des biens produits, ni le profit ou la puissance; c’est le service de l’homme : de l’homme tout entier, selon la hiérarchie de ses besoins matériels comme des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse; de tout homme, disons-nous, de tout groupe d’hommes, sans distinction de race ou de continent. C’est pourquoi l’activité économique, conduite selon ses méthodes et ses lois propres, doit s’exercer dans les limites de l’ordre moral, afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme. » (Par. 64)

Cela signifie que les développements économiques et financiers ne doivent pas être abandonnés entre les mains d’un petit nombre de personnes ou de groupes très puissants, ni au pouvoir politique ou aux pays les plus puissants. « Il convient au contraire que le plus grand nombre possible d’hommes, à tous les niveaux, et au plan international l’ensemble des nations, puissent prendre une part active à son orientation. Il faut de même que les initiatives spontanées des individus et de leurs libres associations soient coordonnées avec l’action des pouvoirs publics, et qu’elles soient ajustées et harmonisées entre elles. » (par. 65.1)

Le document conciliaire traite de beaucoup d’autres sujets rattachés à ce souci de faire en sorte que le bien commun et la paix non seulement locale mais mondiale soient visés par ces activités économiques et financières. Ainsi on parle des disparités économiques dans le monde, de la participation des travailleurs  et des conflits de travail, du lien avec la vie familiale et les loisirs, de l’accès à la propriété privée. Mais « quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes, on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens. » (par. 69). Tout un paragraphe aborde les investissements et questions monétaires ( par. 70). Enfin, on signale que « les chrétiens actifs dans le développement économico-social et dans la lutte pour le progrès de la justice et de la charité doivent être persuadés qu’ils peuvent ainsi beaucoup pour la prospérité de l’humanité et la paix du monde. » (par. 72)

Certes, ces principes fondamentaux ont été développés de multiples façons depuis et repris dans le Compendium de la doctrine sociale de l’Église.  Pensons aussi à l’encyclique de Benoît XVI sur « le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité.» Nous avons là une source très féconde pour alimenter et orienter les recherches et les engagements dans ces domaines cruciaux pour la paix mondiale et l’avenir de notre planète.
(12e texte d’une série sur Vatican II)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau