dimanche 26 août 2012

Une opinion publique dans l’Église (2e texte)

C’est dans le magistral texte intitulé Communion et Progrès que nous trouvons en 1971 une élaboration intéressante sur la nécessité d’une opinion publique dans l’Église. Ce document indique d’abord les buts de la communication et de ses médias: « Communion et progrès dans la société sont les buts primordiaux de la communication sociale et des moyens qu'elle emploie, spécialement la presse, la radio, la télévision et le cinéma. La technique de ces moyens progresse de façon continue et accélérée, en sorte qu'ils sont de jour en jour plus facilement accessibles à un nombre croissant d'hommes. Les comportements et les mentalités se trouvent ainsi toujours plus profondément influencés par ces moyens de communication de masse (ou "media") ». (#1)

Et le texte ajoute immédiatement : « L'Église considère ces moyens de communication comme des "dons de Dieu". Selon l'intention de la Providence, ils doivent engendrer entre les hommes des rapports fraternels, susceptibles de favoriser son dessein de salut. » (#2). Et neuf paragraphes (24 à 32) sont consacrés à traiter de l’opinion publique.

On donne d’abord une sorte de description de ces médias : «Les moyens de communication constituent une sorte de place publique où l'on échange des nouvelles, où s'expriment et s'affrontent de multiples opinions. La vie sociale en est profondément marquée et enrichie, et son évolution en est accélérée. » (#24)

Puis on en tire la nécessité de l’opinion publique : « Ainsi naît "l'opinion publique", liée à la nature sociale de l'homme. Sur l'événement, en effet, chacun aime à exprimer ouvertement devant les autres sa réaction et son opinion. Il contribue par là même à façonner des manières collectives de penser et d'agir. » (#25)

Le texte note une condition préalable pour la formation d’une telle opinion publique : la liberté d’exprimer ses sentiments et ses réflexions. « Il importe donc […] de reconnaître, tant aux individus qu'aux groupements, le droit d'exprimer leur propre opinion, dans les limites de l'honnêteté et du bien commun.  Puisque la coopération de tous est requise pour le progrès de la vie en société, il faut admettre la libre confrontation des points de vue; certains se trouvent alors adoptés, d'autres rejetés, d'autres enfin amendés ou conciliés. Les positions les plus solides et les plus constantes peuvent ainsi contribuer à créer une volonté de collaboration. » (#26)

Le texte du conseil pontifical romain note ensuite la lourde charge des informateurs face aux opinions exprimées publiquement. « Leur pouvoir est immense dans la manière de les susciter, de les recueillir, de les diffuser; en même temps il leur revient, en les exposant, de permettre à chacun de les confronter en toute lucidité et liberté de jugement ». (#27) Mais tous sont invités à concourir à la formation d’une telle opinion publique.

On remarque que « toute opinion que l'on répand ne doit pas être considérée aussitôt comme l'expression de l'opinion publique. En effet, plusieurs points de vue différents peuvent coexister dans le même temps et le même lieu, bien que l'un d'eux ait souvent l'appui d'une majorité. Mais l'avis de celle-ci n'est pas nécessairement le meilleur, ni le plus proche de la vérité. D'ailleurs l'opinion publique est sujette à fluctuations, tantôt gagnant, tantôt perdant du crédit auprès des masses. C'est pourquoi il est sage de garder un certain recul devant des opinions émises en public; il peut même exister des raisons de s'y opposer directement. » (#31) Et l’on ajoute : «Malgré tout, les opinions répandues publiquement et communément, dans la mesure où elles expriment la pensée et la volonté générales, sont à prendre soigneusement en considération par les autorités tant religieuses que civiles. » (#32)

Après un regard sur ces textes, le journaliste Nicolas Sénèze se questionne et nous questionne : « Mais l’Église est-elle prête à accepter ce débat ? » Car pas d’opinion publique sans débats aujourd’hui! C’est là une interrogation qui mérite attention et réflexions. (À suivre)

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau
(2e texte d’une série de 4)