dimanche 13 mai 2012

Les nobles beautés de la nature


Ces jours-ci, j’ai vu des tulipes toutes épanouies. L’air s’imprègne de multiples parfums et les parterres de bigarrées beautés. Le ciel est strié par les outardes, les canards et tant d’autres oiseaux qui travaillent en chantant à faire leurs nids et ainsi bâtissent l’avenir. Les glaces sont parties. La nature se pare de beautés et de multiples splendeurs. Une vitalité émouvante éclate sous nos yeux et sur nos chemins.

Le grand mystique et poète Jean de la Croix a perçu dans ces splendeurs des traces du passage rapide de Dieu. Et il décrit avec un art émouvant ce qu’il en perçoit.

« C’est en répandant mille grâces qu’il est passé à la hâte par ces bocages. En les regardant et de sa figure seule Il les a laissés revêtus de beauté. Les créatures sont comme un vestige du passage de Dieu où l’on entrevoit sa grandeur, sa puissance, sa sagesse et autres vertus divines. Il est passé à la hâte, car les créatures sont les œuvres inférieures de Dieu; il les a créées comme en passant : car les grandes œuvres de sa main, celles où il se montre davantage et où il a apporté plus d’attention, sont l’Incarnation du Verbe et les mystères de la foi chrétienne; si on les compare, toutes les autres œuvres ont été créées comme en passant et en hâte ».

Dans ce magnifique poème, le grand mystique se tourne vers des créatures pour « s'acheminer par là à la connaissance de son Ami qui est leur créateur". Car, comme le dit saint Paul, "ce que Dieu a d'invisible se laisse connaitre à travers ses œuvres ».

Ce qui touche son âme, c'est que cet univers si riche et si divers sorte tout droit de Dieu. Jean de la Croix est très sensible à ce rapport immédiat entre Dieu et sa création qu'il exprime souvent avec la métaphore de la source : Je sais bien la source qui jaillit et fuit bien que de nuit. Je sais qu'il n'est nulle chose si belle et que cieux et terre s'abreuvent d'elle bien que de nuit. 

C'est d'une multitude de belles créatures que Dieu a rempli le monde. Mais on peut dire qu'elles sont les moindres de ses œuvres si l'on se tourne vers le sommet de sa création : l'homme en qui son Fils s'est incarné. Oui, comme s’exclame un chant à la gloire du créateur: « Que tes œuvres sont belles, que tes œuvres sont grandes… »

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau