samedi 7 avril 2012

Le Crucifié Ressuscité

Comme à chaque printemps, le Peuple chrétien se rassemble, durant la Sainte Semaine, autour de la croix, du pain et du vin, du feu nouveau et de l’eau baptismale. Il y puise aux sources de sa vie : le cœur ouvert du Crucifié, fontaine inépuisable capable d’assouvir nos soifs les plus angoissantes qui sans cesse aspirent vers une vie qui nous fuit.

Depuis le repas d’un certain Jeudi soir, la table est prête et le vin est versé. « Prenez et mangez, ceci est mon corps livré et rompu pour vous. Buvez, ceci est mon sang versé jusqu’à la dernière goutte pour vous » (Matthieu 26,26-29).  Le raisin écrasé est devenu sang généreux et don de vie (Jean 15,1ss).

Depuis le coup de lance au cœur, la source jaillit, généreuse, au centre de l’Église. « Aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau » (Jean 19,34). Du côté du Nouvel Adam endormi surgit l’Église. L’eau du baptême et le sang de l’eucharistie sont pour toujours les rendez-vous de la fête et de la vie.

Jésus de Nazareth est né pauvre, n’ayant qu’une crèche pour l’accueillir et des gens méprisés pour l’admirer. Il a travaillé de ses mains pour gagner sa vie. Il a multiplié les paroles et les gestes de miséricorde. Puis ridiculisé, bafoué, renié, abandonné, il est mort sur une croix. Mais il est ressuscité!

Le grain de blé enfoui en terre s’est relevé épi, communauté (Jean 12,24). L’abandonné sur la croix s’est relevé peuple immense. Le Vendredi Saint et Pâques sont devenus fêtes d’une vie donnée en abondance. Oui, aux sources de la vie, tout un peuple vient puiser.

De ses plaies suinte ma guérison. Son dernier cri me donne le pardon. Son souffle m’envahit. Une folle soif me hante : le voir face à face, lui, le Ressuscité et en témoigner dans ce monde qui se sent si seul.

Mais il me redit sans cesse qu’il me faut d’abord le reconnaître défiguré et caché sous les espèces de l’affamé, de l'assoiffé, de l’étranger, du malade, du prisonnier. Toute personne opprimée, c’est Jésus Crucifié. Et, pour ressusciter, il attend de moi un regard de tendresse sur sa face défigurée.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau

Ce texte fut d’abord publié dans la Revue Ste-Anne en avril 2011