vendredi 30 mars 2012

Arrêter, respirer, se calmer

Nous sommes très occupés. Enfants et jeunes sont accaparés par les sports, les loisirs, parfois aussi un travail presque à plein temps. Les jeunes parents doivent en fin de semaine accumuler les entretiens ménagers, les achats, l’accompagnement des enfants  dans les loisirs et sports. Puis la vie professionnelle ou sociale prend beaucoup de place. Enfin, lorsqu’on arrive à la retraite, « on est plus occupé qu’avant »!

Notre vie est prise dans un filet d’occupations qui nous essoufflent, sans peut-être que nous nous en rendions compte tellement l’habitude est entré en nous. Ce rythme effréné de vie devient normal. La publicité, la concurrence, les exigences commerciales, financières ou celles à sans cesse performer nous y contraignent en quelque sorte. Ne sommes-nous devenus des  esclaves de « la tyrannie de l’horloge »?

Comment nous en délivrer? Ce n’est pas une nouvelle question. Des centaines d’années avant Jésus, son peuple se la posait déjà. Et la réponse fut communautaire : l’institution d’une journée d’arrêt après six jours de travail. Appelé sabbat, ce jour était destiné à assurer la cessation des travaux et le repos pour tous. C’est devenu une loi sans cesse rappelée au Peuple choisi : «Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour est un sabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu n'y feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne ni aucune de tes bêtes, ni l'étranger qui est dans tes portes.»

Tous doivent pouvoir se reposer : maître, serviteurs et servantes, animaux. Le souvenir de la misère et de l’esclavage en Égypte motive un tel jour qui est une libération de l’esclavage d’un travail qui tue le cœur et l’âme, ainsi que  les relations familiales, sociales et celles avec Dieu.

Ce jour d'arrêt et de repos fut reconnu comme si essentiel à la survie du peuple qu’on en a fait le signe de l’alliance avec Dieu. Se reposer le septième jour, c’est imiter Dieu qui conclut en six jour l'ouvrage de la création et chôma le septième jour. «Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, car il avait chômé après tout son ouvrage de création ».

Le sabbat est le signe perpétuel de l’alliance infrangible entre Dieu et son peuple. C’est un jour pour se souvenir du Dieu créateur, pour se reconnaître sa créature qu’il veut comme lui libre, heureuse, dans une communauté harmonieuse de vie et de destin. C’est un jour « délicieux et vénérable ».

Les lois assurant ce jour de repos devinrent toutefois si rigoureuses que Jésus s’est senti obligé de rappeler le sens essentiel de ce jour d’arrêt et de repos : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. »

Pour nous chrétiens, ce jour de repos est le dimanche. C’est le premier jour de la semaine, qui nous rappelle hebdomadairement la résurrection de Jésus et ses apparitions de semaine en semaine à ses amis avant de cesser de leur apparaître. Le dimanche est « le Jour du Seigneur » destiné à alléger nos fardeaux pour entrer ainsi chaque semaine dans le repos même de Dieu et le service de nos frères et sœurs. C’est en prenant le temps de creuser dans notre cœur un espace pour Dieu que nous pouvons devenir disponibles pour celles et ceux auxquels personne ne pense, qui sont rejetés, marginalisés.

Qu’avons-nous fait de ce jour de repos, d’ouverture du cœur à Dieu, de don de soi aux autres? Dans une lettre de cent pages, Jean-Paul II a analysé pour nous le sens du dimanche ainsi que ses diverses composantes. Et il a insisté pour affirmer que nous ne pouvons pas y renoncer : « Au seuil du troisième millénaire, la célébration du dimanche chrétien, pour les significations qu'il évoque et les dimensions qu'il implique par rapport aux fondements mêmes de la foi, demeure un élément déterminant de l'identité chrétienne » (paragraphe 30). C’est un texte très actuel alors que tant d’obstacles s’opposent à ce jour de liberté, de joie, de vie familiale et communautaire.

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau