lundi 13 février 2012

La peine de mort

La légitimité ou non de la peine de mort revient sur la table de l’actualité. Certains voudraient qu’on ouvre à nouveau ce dossier ici. Mais c’est une question de portée mondiale et il est alors éclairant d’avoir en tête quelques chiffres sur le sujet.

95 pays ont aboli la peine de mort de leurs législations. 9 pays prévoient la peine de mort seulement pour des crimes exceptionnels. La plupart de ces pays n’ont procédé à aucune exécution depuis très longtemps. 36 pays prévoient la peine de mort dans leur législation, mais ne l’ont pas pratiquée depuis 10 ans. Enfin, 56 pays la pratiquent encore aujourd’hui, dont des pays aussi importants que la Chine et les États-Unis. Ce grand mouvement mondial contre la peine de mort est un signe du progrès de la conscience morale des populations de notre planète.

Voici la position du Canada telle que formulée par le Ministère de la Justice : « La peine capitale a été supprimée du Code criminel du Canada en 1976. Après plusieurs années de débats, le Parlement a décidé que la peine capitale n'était pas une peine appropriée. Les raisons à l'appui de cette décision reposaient sur le risque de condamnations erronées, sur les préoccupations découlant du fait pour l'État de mettre fin à la vie d'un individu et sur les incertitudes au sujet de l'efficacité de la peine de mort comme moyen de dissuasion ».  Ces raisons me semblent toujours valables.

Le catéchisme de l’Église catholique prend position sur ce sujet, mais sans exclure totalement la peine de mort dans des cas d’une extrême gravité.  Mais Jean-Paul II a accentué cette prise de position en se prononçant souvent et très fortement contre la peine de mort. Il a vu « l’aversion toujours plus répandue de l’opinion publique envers la peine de mort » comme un signe d’espérance et s’est engagé dans la promotion de ce refus par les législations des divers pays. Il est intéressant de noter que le Colisée à Rome est illuminé chaque fois qu’un pays décrète l’abolition de cette peine de mort.

Jan-Paul II a fait valoir qu’une société moderne dispose des possibilités nécessaires pour réprimer efficacement le crime en rendant inoffensif celui qui l’a commis sans lui ôter définitivement la possibilité de se racheter. Les méthodes non sanglantes de répression du crime sont préférables, car elles correspondent mieux au bien commun de la société et à la dignité inaliénable de chaque personne. Il faut alors reconnaître, dans cette aversion croissante de l’opinion publique de plusieurs pays contre la peine de mort est le signe d'une croissance dans la sensibilité, morale et humaine.

On a fait état de certains sondages dans la population canadienne affirmant qu’une majorité serait en faveur que soit ouvert à nouveau ce débat. Si tel est le cas, je considère que c’est là un signal qui nous pousse à nous interroger sur la qualité humaine et morale de notre société.  Quelle est la place dans nos valeurs dans le respect de la dignité inaliénable de toute personne humaine, même de celle de celui qui a bafoué sa propre dignité par des crimes odieux ? Et puis comment aller jusqu’à mettre en comparaison la peine de mort avec l’argent que ça coûterait de garder ces gens en prison !

† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau